Rencontre Bioterre
2022

Le très grand cycle de l'eau. Continuum Humain - Terre - Mer

Affiche Colloque Bioterre 2022 Sophie LEI.png
Affiche Colloque Bioterre 2022 Sophie LEI.png

La notion de cycle de l’eau conduit à penser un seul milieu interconnecté que l’eau parcourt et au sein duquel elle se transforme : neige ou glace, liquide et douce ou liquide et salée, sous forme de vapeur. On la trouve en surface mais aussi dans les sols où elle s’infiltre et dans l’atmosphère à son état gazeux. Pourtant, la législation, les pratiques de gestion et les savoirs scientifiques sont le plus souvent morcelés entre les cours d’eau, estuaires et deltas, les eaux côtières et la haute mer. La distinction entre un petit cycle et un grand cycle renvoie à des enjeux de gestion et de financement des services d’eau et d’assainissement par les collectivités pour le petit cycle et à ceux liés aux compétences récentes des collectivités pour la prévention des inondations et la gestion des milieux naturels (GEMAPI depuis 2014). De même les milieux spécifiques que sont les têtes de bassin, ou les estuaires ou les eaux côtières, présentent des fonctionnements écologiques et des enjeux de qualité particuliers.

C’est ce constat de dissociation entre un continuum homme-terre-mer et certaines conceptions scientifiques et opérationnelles qui a inspiré le thème des 9èmes rencontres Bioterre. Tous les ans, les étudiants du master Bioterre, Biodiversité, Territoire, Environnement, de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne organisent un colloque pour explorer les manières dont se posent et sont traitées les questions de biodiversité dans les territoires. L’année dernière a ainsi été consacrée aux territoires du sauvage. Cette année, et de manière inédite, l’eau est introduite dans les rencontres Bioterre avec pour ambition d’examiner, avec les intervenants de la journée, ce que pourrait être un très grand cycle de l’eau, à travers le parcours de l’eau mêlant milieux naturels et territoires humains, que ce parcours soit de la terre vers la mer, ou de la mer vers la terre, aux rythmes des écoulements, des marées, et des effets du changement climatique.

  • Dans une perspective d’un Continuum Humain-Terre-Mer, comment envisager les interactions de la terre vers la mer et de la mer vers la terre ?
  • Ce concept de très grand cycle de l’eau est-il pertinent tant du point de vue scientifique que du point de vue opérationnel pour une meilleure mise en réseau des territoires et une meilleure prise en charge de la biodiversité en leur sein ?

Pour répondre à cette question, ont été invités des scientifiques des sciences humaines et sociales et des sciences de l’environnement ainsi que des gestionnaires et des usagers des cours d’eau et des eaux côtières pour explorer les pratiques et usages actuels de ce continuum Humain-Terre-Mer et les éventuelles difficultés rencontrées au niveau de l’exploitation de la ressource en poisson, de la surveillance et de la préservation des milieux et des potentialités pour le biomimétisme. Cet état des lieux dressé par les intervenants en début d’après-midi s’est poursuivi par des propositions de nouveaux modes de faire. Le très grand cycle de l’eau et le continuum Humain-Terre-Mer est alors interrogé au prisme des sciences participatives, du changement climatique, de la protection des milieux aquatiques et des effets des grandes infrastructures.

 

Nouveaux concepts et nouvelles approches

Pour traiter ce sujet vaste et complexe et sans négliger les aspects théoriques indispensables pour l’aborder et le comprendre, la matinée a été consacrée au décloisonnement des savoirs, aux nouvelles approches, à l’examen scientifique du concept de très grand cycle de l’eau dans les différents domaines de recherche, avec successivement les interventions :

  • d’Elodie Fâche, anthropologue à l’Institut de Recherche pour le Développement, menant un cas d’étude sur les Fidji dans le Pacifique Sud
  • de Claire Lajaunie, chercheuse en droit de l’environnement à l’INSERM, apportant un regard de juriste à l’aune du concept One Health (une seule santé) appliqué aux océans,
  • de Josette Garnier, biogéochimiste et directrice de recherche du CNRS à l’UMR METIS, pour analyser et scénariser le système eau-agro-alimentaire dans ce continuum Humain-Terre-Mer,
  • de Céline Le Pichon, de l’INRAE, avec unelecture d’ingénieure de recherche en hydroécologie sur les continuités piscicoles entre mer et fleuve,
  • puis l’intervention d’Annaïg Oiry, maîtresse de conférence à l’Université Gustave Eiffel, offrant son regard de géographe sur le continuum Humains-Terre-Mer
  • et pour clore cette première session Cyrille Barnerias, directeur des relations européennes et internationales à l’Office Français de la Biodiversité, qui a abordé les enjeux d’une gestion de l’eau intégrée depuis les bassins versants jusqu’à la mer.

Des pratiques actuelles de gestion à de nouveaux modes de faire

La deuxième partie de colloque a questionné de manière très concrète la façon dont les humains s’approprient ce continuum humain-terre-mer aujourd’hui. Ont ainsi été abordées les pratiques actuelles de gestion du continuum ainsi que leurs limites à travers l’expertise de cinq invité.e.s :

  • une ancienne du master Claire Couvrat, animatrice Natura 2000 à l’Office Français de la Biodiversité en mer nord et est Cotentin, et la gestion Natura 2000 des milieux marins, avec notamment les différentes contraintes et pressions de cette gestion,

  • Alexis Maheut, ancien marin pêcheur dans le bassin de la Seine en Normandie pour partager sont regard sur les transformations de l’estuaire de la Seine,

  • Manuel Sarraza, Responsable du service Littoral et Mer à l’Agence de l'eau Seine-Normandie, et qui à ce titre a abordé la question d’une approche intégratrice de l'eau marine et continentale dans le programme de surveillance des Agences de l'eau,
  • Charlotte Sève, doctorante au Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement, qui travaille sur les Aires Marines Protégées, et a discuté de l’efficacité des outils de protection des zones maritimes françaises,
  • et François Briant, président et fondateur de l’Institut Polynésien de Biomimétisme pour nous parler d’exemples très concrets traduisant cette intégration du continuum HTM à travers les projets régénératifs de son Institut.

La troisième et dernière partie de ce colloque a permis de se projeter et penser les potentialités de ce continuum Homme-Terre-Mer, en abordant les nouveaux modes de faire déjà mis en oeuvre sur les territoires ou en devenir. Successivement

  • Anaëlle Brand et Uriell Quentel chargées d’affaires environnement à RTE ont présenté pour introduire cette partie l’activité de RTE en mer, dans une perspective de réponse aux enjeux de la transition écologique.
  • Nicolas Hette_Tronquart, Chargé de mission fonctionnement des écosystèmes continentaux à l’OFB, a abordé la question des indicateurs de biodiversité, et leur pertinence pour penser les interactions entre terre et mer.
  • Frédéric Ducarme, chercheur en écologie et philosophie au Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation (CESCO) et au MNHN qui nous partagera son regard sur la mise en réseau et la coordination des aires marines protégées en Méditerranée.
  • Enfin Théophile Bongarts-Lebbe, responsable adaptation côtière et changement climatique, chef de projet sea'ties auprès de la Plateforme Océan & Climat, a terminé par l’importante question de l’adaptation des territoires côtiers face au changement climatique.